Historiquement la photographie d’architecture se caractérise par une volonté de représenter « fidèlement” ou “objectivement » un bâtiment.
L’approche d’Ash Camas, photographe minimaliste et primée, est bien différente. Ash nous propose une interprétation plutôt qu’une simple traduction des espaces qu’elle choisit de capturer avec son appareil photo. Elle transforme les bâtiments en représentations abstraites qui nous font redécouvrir les lieux que nous fréquentons.
Nous vous proposons d’explorer avec nous son univers spatial et photographique.
Ash, vous êtes photographe d’architecture, d’architecture contemporaine en particulier. Comment vous est venue l’envie de devenir photographe et de choisir tout particulièrement le sujet de l’architecture?
Je suis toujours fascinée par l’art abstrait et les artistes qui créent ces peintures étonnantes avec diverses formes géométriques et couleurs. Quand j’ai eu mon premier smartphone muni d’un appareil photo, j’ai commencé à prendre des photos d’art urbain et j’ai créé un compte Instagram. Plus tard, j’ai décidé de me procurer un appareil photo car la qualité des images prises avec mon smartphone devenait de moins en moins satisfaisante pour moi. Je peux dire que ma vie de photographe a commencé avec Instagram il y a presque une décennie.
Alors que je prenais des photos de street art, j’ai commencé à prêter plus d’attention à l’environnement bâti et à remarquer des éléments abstraits, des textures, des formes géométriques et des couleurs uniques. J’ai ensuite commencé à prendre des photos d’architecture et à les documenter sur Instagram. Bien que je sois toujours une grand fan du street art, je me concentre maintenant principalement sur la photographie architecturale et minimaliste.
Vos photos ont été prises dans le monde entier. Comment choisissez-vous vos “sujets”? Comment sélectionnez-vous les bâtiments que vous allez photographier?
Je suis toujours à l’affût. La marche est un autre de mes passe-temps. Parfois, lorsque je me promène, je tombe par hasard sur des architectures intéressantes ou parfois je les trouve en faisant des recherches. J’aime voyager et avant de visiter une nouvelle ville, je fais toujours une recherche sur les points forts de l’architecture locale, en particulier les structures contemporaines et visuellement attrayantes. Les structures que je recherche doivent présenter une certaine vivacité dans les couleurs, une sorte de désordre ou d’asymétrie concernant certains éléments (comme les fenêtres par exemple), ou une continuité visuellement agréable dans toutes sortes de motifs géométriques. L’élégance artistique du sujet joue un rôle majeur dans mes recherches.
Au travers de vos photos, y a-t-il un message que vous souhaitez transmettre ?
Je n’ai pas de message spécifique à faire passer à travers mes photos. J’aime montrer ce que je vois et révéler des joyaux cachés. L’architecture est un art visuel qui utilise la philosophie de l’esthétique dans son processus de création. À travers mon interprétation visuelle de la structure, je suppose que je montre simplement que l’architecture et son esthétique sont partout et qu’elles méritent d’être appréciées par tous, même si nous y vivons, y faisons du shopping ou y travaillons. Le message que je transmets concerne peut-être la beauté des structures créées par l’homme qui rendent la vie belle, durable et agréable.
Vous aimez l'interview de Ash ?
Le photographe d’architecture se confronte à la difficulté de traduire en un seul cliché un espace qui s'appréhende normalement quand on s'y déplace…. Quelle est votre approche pour rendre cet exercice possible?
Lorsque je trouve quelque chose d’intéressant à photographier, je le regarde d’abord dans son ensemble et je le contourne pour trouver des angles, des motifs et des perspectives uniques. Si la structure globale est visuellement attrayante, je prends des photos de l’ensemble du bâtiment et j’ajoute parfois une silhouette humaine, parfois un passant ou parfois un ami. Cela permet au spectateur de comprendre l’échelle du sujet.
Si je ne parviens pas à créer une image artistique avec l’ensemble de l’architecture, je recherche un fragment du bâtiment entier qui présente un attrait artistique intéressant.
Pour que je prenne une photo de ce fragment, il doit présenter des couleurs vives, des ombres, des lignes, des motifs géométriques, etc. Une fois que je l’ai trouvé, j’essaie de créer un art abstrait minimal en deux dimensions à partir de ce bâtiment entier. Je m’assure que ma composition soit très simple, sans encombrement, et qu’elle soit cadrée sans avoir à trop la retoucher. Les photos minimalistes montrent en quelque sorte un point de vue différent d’un bâtiment que vous connaissez peut-être déjà.
" L'architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière " selon Le Corbusier. Comment faites-vous de la lumière et de la couleur vos alliées pour donner au spectateur les clés de l'espace que vous photographiez ? Avez-vous une méthodologie particulière à partager ?
Travailler avec la météo relève parfois du défi, tout comme avec la lumière. La lumière et l’heure de la journée influent sur l’ensemble de la composition lorsque vous photographiez un bâtiment.
À différents moments de la journée, le sujet peut même avoir un aspect différent et peut vous offrir le luxe d’une belle ombre sur le bâtiment, capable de rendre votre image unique. Parfois au contraire, vous voulez éviter les ombres d’arbres ou d’autres éléments sur les murs. C’est donc toujours une bonne idée de revisiter le site à différentes heures et sur plusieurs jours, voire à différentes saisons lorsque les feuilles sont parties à la fin de l’automne ou en hiver.
Si je prends une photo dans ma ville natale, j’y retourne toujours, encore et encore, pour prendre des clichés différents. Mais lorsque je voyage, c’est un pur hasard. Je n’ai généralement pas assez de temps pour visiter à nouveau la région. Malheureusement, cela m’oblige à travailler avec les images que j’ai prises selon une seule condition d’éclairage, mais j’essaie de capturer autant d’images que possible en utilisant différents points de vue, différentes longueurs de focales et différents réglages d’obturateur/ouverture. Photoshop devient un outil très pratique pour le post-traitement afin de travailler l’ombre et la lumière mais aussi divers autres ajustements.
Notre communauté voulait vous demander quelles sont vos préférences en matière d'objectifs ? Et si vous utilisez des objectifs à bascule ?
J’aime faire de longues promenades dans la ville et lorsque je le fais, j’apporte toujours mon sac photo et je ne veux pas que mon sac soit lourd. Je garde le minimum de matériel. Il en va de même pour les voyages. J’ai donc toujours trois types d’objectifs différents dans mon sac : Standard (AF-P DX Nikkor 18-55 mm), Grand Angle (AFP- DX 10-20mm) et Téléobjectif (AF-S DX 55-200 mm). J’utilise le plus souvent mon 18-55 mm. Je n’ai pas d’objectif à bascule pour le moment. Peut-être en achèterai-je un à l’avenir.
Cette interview vous inspire ?
Quel logiciel d'édition utilisez-vous ?
J’utilise Photoshop pour traiter mes images brutes. Tout d’abord, je corrige les couleurs et l’objectif/la perspective, puis je désencombre généralement l’image en supprimant certains éléments gênants. Je joue également avec le contraste, la luminosité et les teintes pour essayer de rendre l’image visuellement plus attrayante pour les yeux du spectateur.
Pouvez-vous nous faire part des difficultés que vous avez rencontrées lors d'un projet photographique ?
Tous les joyaux architecturaux ne sont pas accessibles au public et il faut obtenir l’autorisation préalable du propriétaire ou du gérant du bâtiment pour prendre des photos. En outre, certaines villes ont des règles strictes interdisant de photographier certains immeubles de bureaux. Il faut généralement obtenir l’autorisation des gardes de sécurité pour prendre une photo, même de l’extérieur. L’accessibilité des bâtiments que je veux photographier est probablement mon plus grand défi.
Quelles sont vos sources d'inspiration photographique ?
Une grande partie de mon inspiration vient des voyages et de l’exploration de nouveaux environnements. Je suis également inspirée par l’art abstrait. Je m’inspire également en suivant divers photographes sur les réseaux sociaux. Ils m’apprennent tous à regarder les choses différemment.
Se faire connaître en tant que photographe indépendant n'est pas facile. Qu'est-ce qui a le mieux fonctionné pour vous ?
Il faut du temps pour être reconnue et ce n’est pas facile pour ceux qui viennent d’entrer dans le monde de l’art photographique.
Il est important de rejoindre, sur les réseaux sociaux, un groupe composé de photographes professionnels qui ont beaucoup d’expérience et qui vous donnent un retour honnête afin que vous puissiez vous améliorer continuellement. Obtenir un retour constructif des autres a toujours été utile.
Un conseil pour un jeune photographe qui voudrait se lancer ?
Prenez beaucoup de photos, regardez beaucoup d’images, connaissez bien votre appareil photo, passez du temps à chercher les objets parfaits, apprenez à utiliser un outil de retouche photo et n’abandonnez jamais.
Prolongez ce moment avec Ash Camas en la suivant sur Instagram.
Toutes les images: ©Ash Camas
