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Requiem pour pianos abandonnés avec le photographe Romain Thiery

Touches silencieuses, cordes cassées, lieux abandonnés : Romain Thiery photographie les carcasses poignantes de pianos délaissés, situés dans des espaces désolés et chargés d’histoire. Son travail est un voyage à travers le temps et l’émotion, où chaque image raconte une histoire unique de beauté, de déclin et de nostalgie. À travers notre discussion, Romain Thiery nous dévoilera les dessous de son processus créatif, ses inspirations, et comment sa passion pour le piano et la photographie se sont harmonieusement entrelacées pour donner vie à « Requiem pour pianos ».

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Comment avez-vous découvert votre premier piano abandonné et pourquoi l'avoir photographié ?

J’ai commencé à jouer du piano très jeune. Cet instrument occupe une grande place dans ma vie. J’essaie de jouer tous les jours sur mon piano à la maison, mais je ne suis qu’un amateur. Par ailleurs, depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours suivi ma mère dans ces périples photographiques.

À cette époque, je suivais ma mère dans son travail photographique, ce qui m’a permis de découvrir la photographie de lieux abandonnés et en ruine.

En 2008, ce fut le coup de foudre. Sur les hauteurs d’une petite ville française, j’ai découvert un manoir du XIXe siècle. Tout était détruit, vide, l’endroit avait été pillé. Au premier étage, j’ai découvert un piano, au milieu d’une pièce détruite. La cheminée était cassée. Les objets de valeur et le trésor avaient déjà disparu. Il ne restait que ce piano. Je me suis dit qu’il devait y en avoir d’autres.

C’est depuis cette découverte, que l’idée m’est venue de combiner mes deux passions dans un seul projet “Requiem pour pianos” et que j’ai décidé de partir à la recherche de ces pianos silencieux. Depuis 2014, j’ai découvert plus d’une centaine de pianos à travers le monde.

« Ce piano était l’âme du lieu, même au milieu d’un espace en ruine, il ne cessait de conserver sa puissance. Il était là, trônant avec toute sa grandeur. « 

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Comment trouvez-vous ces endroits abandonnés avec des pianos ?

Ce n’est pas simple. Il s’agit d’une recherche particulière qui m’amène à créer un réseau solide de personnes de confiance. Il est difficile d’expliquer le processus car il est différent en fonction de chaque pays. Il peut m’arriver de trouver des articles de presse, être en contact avec des personnes travaillant dans le patrimoine ou la musique, ou des photographes à travers le monde.

Il m’arrive souvent de chercher sur des logiciels d’images satellites qui me permettent d’identifier des bâtiments en ruine. J’axe mes recherches sur des bâtiments prestigieux type châteaux, maison de maître, manoirs, palace etc … afin de me donner plus de chance d’y trouver un piano.

Depuis quelques années et avec ma notoriété grandissante, il m’est plus simple de trouver des instruments à photographier. Il m’arrive que des personnes, au regard de mes photographies en expositions ou dans la presse me contactent directement car ils ont connaissance d’un lieu.

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Quels messages le piano véhicule-t-il selon vous ?

Je pense que le piano est un instrument aimé par tout le monde. Même si certains ne savent pas en jouer, nous essayons toujours un piano lorsque nous entrons dans une pièce où il y en a un. Il faut dire que les instruments de musique sont, pour nous, toujours beaux et presque déifiés. Ainsi, même si le temps les abîme, nous y sommes attachés. Nous les respectons.

Mais le piano est plus que cela. C’est un instrument rassurant par son élégance naturelle. Même recouvert d’une épaisse poussière, il ne cesse d’imposer sa noblesse et son respect. Cette grandeur enracinée au plus profond de notre culture.

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Votre travail photographique a-t-il eu un impact sur votre sensibilité de pianiste?

Bien sur. Mon travail artistique me permet depuis quelques années d’exposer dans des haut lieux de la musique et du piano en France et à l’étranger. Il m’arrive régulièrement d’être invité dans des festivals de pianos prestigieux. Cela me permet de rencontrer de nombreux pianistes et de parfaire mes connaissances musicales.

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Vous avez photographié en Europe de l'Ouest, de l'Est et les États-Unis. Avez-vous remarqué des particularités selon les régions dans les lieux abandonnés ?

Chaque pays, chaque région à ses propres caractéristiques architecturales. Il est évident que je retrouve des marques de pianos spécifiques à chaque pays. Notamment Gaveau, Erard, Pleyel pour la France, Steinway, Bechstein pour l’Allemagne et Bosendorfer pour l’Autriche par exemple. Aux Etats-Unis, tout était bien sûr différent de l’Europe, tant sur le plan architectural que sur les marques de pianos. J’ai été stupéfait de voir à quel point les bâtiments disparaissent rapidement dû à leur ossature en bois pour la plupart.

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N'est-ce pas dangereux de photographier ces lieux abandonnés dans des propriétés parfois privées?

Il y a toujours un danger à prendre en compte lorsque que l’on visite des lieux abandonnés ou en ruine. Je ne prends pas de précautions particulières mais je reste très vigilant, et encore aujourd’hui, à l’état de dégradation du lieu.
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Comment avez-vous découvert la photo ?

Ma mère étant photographe amatrice, j’ai grandi dans cet univers qui m’a rapidement passionné. Spécialisée dans la photographie de patrimoine, elle m’a souvent amenée avec elle et m’a transmis ses connaissances.

La photographie est devenue plus personnelle et professionnelle lorsque j’ai décidé de partir à l’étranger. L’Inde fut une révélation, je souhaitais rendre intact cette atmosphère particulière, cette agitation et ces couleurs omniprésentes.

A mon retour, ma mère avait commencé un projet particulier sur le patrimoine abandonné de Dordogne, ma région natale. C’est tout naturellement que je l’ai accompagnée et que le projet Requiem pour pianos à pris forme.

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Quel type d'équipement utilisez-vous le plus souvent pour vos prises de vue ?

Je travaille depuis toujours avec du matériel Sony. J’ai depuis eu plusieurs appareils de cette marque et je photographie à l’heure actuelle avec un Sony a7RIV et un objectif 16-35 mm.

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Comment avez-vous fait connaître votre travail photographique ?

Au départ, mon projet Requiem pour pianos était totalement personnel. Rapidement, la presse et des galeristes se sont intéressés à mes œuvres étant le seul à travailler sur ce sujet précis.

C’est en 2017 que les choses se sont accélérées pour moi. J’ai eu la chance de visiter un palais en Pologne où un vieux piano avait été oublié. Cette photographie « Requiem pour pianos 33 » a été rapidement repérée par des galeries, des journalistes etc…. Elle a fait décoller ma notoriété et a fait connaître mon travail sur les pianos à l’International. Depuis, j’ai remporté de grands prix internationaux de photographie dans différents concours.

Ma série a été présentée en Amérique, en Europe et en Asie. Elles ont été exposées dans des galeries d’art à San Francisco, Paris, St Pétersbourg, Tokyo, Hambourg, Seoul, Lausanne, Tel-Aviv et bien d’autres encore. Les titres de presse les plus prestigieux ont déjà salué ou traité mon travail dans leurs pages comme El Pais, Der Spiegel, The Guardian, Lonely Planet, Cultura Inquieta, Point de Vue, Esquire, Beijing news … et, lors de reportages TV à M6 (France), DW (Allemagne), Channel Cuatro (Espagne), TV5 Monde (France) et I24 News (France et Israel).

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Votre travail a inspiré un court métrage. Est-ce que cela vous a donné envie d'utiliser la vidéo ?

C’est suite à la sortie de mon livre retraçant les 15 années de ma série Requiem pour pianos aux éditions Odyssée, que deux producteurs se sont intéressés à mon travail photographique. Plusieurs jours de tournages ont eu lieu dans un château abandonné et une salle de bal en Allemagne. Ce fut une expérience inoubliable avec une équipe de plus de 20 personnes. Cela m’a permis de mettre un pied dans ce milieu que je ne connaissais pas du tout et d’apprendre de nouvelles techniques. Le métier de vidéaste est un métier passionnant mais je préfère conserver le médium de la photographie pour l’instant.
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Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un cherchant à entreprendre un projet photographique unique ou inhabituel ?

Je conseillerai de toujours réfléchir au sens de leurs projets, avant de réfléchir au matériel qui sera employé et au rendu final. Un projet photographique prend du temps, se construit et s’améliore au fil des ans.

« Ne pas hésiter à montrer son travail lors de lectures de portfolio par exemple, de passer du temps dans des lieux d’expositions, de consommer de l’art et de rester toujours curieux. »

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Crédit photo: © Romain Thiery

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Team CYME
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