Si les caractéristiques d’un appareil photo ou d’une caméra vidéo sont facilement définissables, il existe cependant une certaine porosité entre ces medium, entre l’image fixe et l’image en mouvement. Plusieurs éléments entrent en jeu pour créer cette conjugaison inattendue.
La phonéographie : les smartphones sont-ils les meilleurs pour la photos ?
L’univers numérique à révolutionner les techniques qui abordent l’image, à la fois dans la production et la postproduction qu’il propose mais également à travers les instruments qui les restituent. Les smartphones ont intégré l’appli Photo comme un ingrédient annexe plutôt fun puis la vidéo s’est rapidement invitée alors que ces fonctions ne semblaient pas, au départ, être déterminantes dans l’acte d’achat d’un smartphone.
Mais l’engouement auprès du grand public est tel que les concepteurs de ces smartphones n’ont cessé de développer les performances de ces outils intégrés, dédiés à l’image. Chaque marque dope, à chaque millésime, le nombre de pixels, démultiplie les optiques, augmente les possibilités de travailler son image car oui, la photographie se révèle être un atout majeur pour le téléphone portable.
C’est une petite révolution que les pros nomment la phonéographie, c’est l’ascension fulgurante de l’intégration de l’image dans les téléphones mobiles. Aujourd’hui 74 % des français sont équipés de smartphones et le succès de ces fonctionnalités concernant l’image ne s’est toujours pas fait démentir.
Chaque sortie de smartphone est à présent scrutée et les choix des utilisateurs chez Apple, Samsung ou Huawei sont dictés par la qualité toujours plus dingue de la prise de photo ou de la vidéo. Preuve en est la présentation star de l’iPhone 11 Pro par Apple qui affiche un appareil photo triple optique, avec stabilisateur et Zoom x 10. La vidéo intégrée de ce smartphone dernier cri n’est pas en reste avec son format d’image en 4K et ses singularités techniques de folie, à faire rougir les camescopes les plus performants sur le marché actuel.
Résultat, la photo et la vidéo sont de plus en plus présentes dans nos usages courants. Aux États-Unis, on estime qu’une personne prend 20 photos par jour en moyenne. Et en 2022, la vidéo représentait 82% du trafic internet. La création de contenu photo et vidéo prend ainsi une place importante dans le paysage. La gestion des images et vidéos devient un véritable enjeu. C’est pourquoi chez CYME, nous avons voulu imaginer des solutions comme FindMySnap sur mobile qui permet de s’y retrouver dans ses photos, ou des logiciels comme Peakto afin d’organiser tout le contenu créé. Sans oublier des plugins comme Peakto Search qui savent à la fois retrouver des photos et des vidéos. Photographie et vidéographie semblent avoir pris la première place dans nos vies. 2,6 milliard de personnes regardent YouTube tous les jours. Ce qui n’a pas échappé aux entreprises dont les équipes marketing sont 88% à considérer la vidéo comme une part importante de leur métier.
Comment les smartphones pour la vidéo ont transformé le paysage de la production visuelle
La qualité des prises de vues, les propositions de textures de l’image ou d’ambiances ont fait exploser l’utilisation de la vidéo et de la photographie. Notre rapport à l’image s’en trouve même modifié. Photographier avec un téléphone de poche a, par là-même, induit des modifications fondamentales dans notre rapport à l’image. Aujourd’hui, on prend une photo comme on saisit un stylo pour mémoriser une idée, un instant, une situation, un visage ou faire son autoportrait dans une situation donnée. L’image est devenue un ingrédient évident de notre vie au quotidien, voire addictif.
Les plateformes comme Instagram ou Snapchat, suivies par plus d’un milliard et demi d’utilisateurs actifs, témoignent du succès inouï de l’emploi de l’image dans notre vie de tous les jours.
Cela s’explique aussi par l’utilisation simplissime des fonctions Photo puis de la Video. Intuitives, elles s’adressent, de fait, non plus à des spécialistes de l’image mais à tous et les résultats sont bluffants. L’arrivée des selfies est en un exemple criant. L’autoportrait de situation a contaminé la planète entière. Pas un politique, une célébrité de la chanson, du cinéma, de la mode, de l’industrie, de l’espace, de l’entreprise, du monde du sport,… qui ne se prête au jeu de cette mise en avant photographique personnelle ou collective.
La qualité de rendu des images est si impressionnante qu’elle convainc même les pros comme les journalistes d’investigation qui partent aujourd’hui fréquemment en reportage avec ce matériel multifonction, hybride, bien plus léger et discret… qui permet aux rédactions de faire parfois l’économie d’un poste de cadreur.
Les réalisateurs de film ont même tenté l’expérience de réaliser long ou court-métrage avec uniquement un iPhone comme Unsane, Paranoïa et High Flying Birds, les trois longs métrages de Steven Soderbergh ou encore Détour, le court réalisé par Michel Gondry.
Appareil photo vidéo : Canon, Nikon, Leica, Sony arrivent sur le marché
Les comportements face à cette photographie numérique économe, sans frais de développement, aux résultats immédiats, ont séduit les marques de renom des boitiers photos. Première vague, l’apparition des boîtiers numériques aux qualités ultra performantes. Puis une seconde génération vient rapidement prendre place sur le marché avec la fonction vidéo qui vient s’intégrer dans ces boitiers professionnels. Des appareils hybrides qui offrent deux dispositifs pour un seul instrument. Deux options d’images : la mobilité ou la capture de l’instantané.
Appareil photo hybride : un même support pour deux récits
Que ce soit avec un smartphone ou un boîtier professionnel, on se retrouve aujourd’hui avec un appareil pour travailler à la fois la mobilité et l’image fixe. Un même stylo qui pourtant n’utilise pas la même grammaire. Pour la photographie, c’est le plan fixe qui va offrir l’armature de travail, pour la vidéo, l’unité de base se construit autour du mouvement. Elle emprunte au cinéma une articulation bien spécifique tout en englobant les règles de la photographie.
Avec l’usage hypertrophié de la photo et de la vidéo, des nouveaux comportements apparaissent ainsi que des propositions qui n’auraient pu surgir sans cette porosité voulue, et souhaitée par certains.
Qu’est-ce qu’un cinémagraphe ?
Une des premières tendances que l’on a vu naître, après le phénomène engendré par la phonéographie, c’est un compromis artistique qui va allier la prise de vue photo avec une dimension animée intervenant sur une partie de l’image seulement. Le cinémagraphe est mi-chemin entre le GIF et les images fixes. Ils sont fréquemment exploités dans le marketing visuel, pour pimper les sites internet ou même les photos de mode en mode digital.
Impossible de ne pas évoquer les premiers créateurs du cinémagraphe, Kevin Burg et Jamie Beck, qui le mettent à profit pour une séance de modèles en simulant le vent sur les drapés des tenues pour offrir plus de vivacité.
Publicité, gastronomie, mode, décoration, tous les secteurs empruntent à cette technique qui offre un dynamisme à la photo sans pareil.
Qu’est-ce que le vlogging ?
Côté vidéo, la phonéographie suscite aussi des créations étonnantes. On a vu naître rapidement de nouveaux métiers comme celui d’influenceurs qui ont leur téléphone greffé à la main h 24, prêts à dégainer à tout instant pour commenter leurs actions ou vanter les mérites d’un produit, phénomène qui porte un nom, le vlogging.
C’est un format vidéo à part entière. Un « face camera » assez court diffusé uniquement sur les réseaux sociaux type Twitch, Snapchat, Instagram, Tik Tok, Facebook ou les chaine You Tube, Vimeo ou Daily Motion. Ces pastilles vidéo incluent fréquemment des photos. Là aussi, la conjugaison des deux medium se complètent parfaitement.
La phonéographie, on le voit, est un phénomène suffisamment prégnant pour que l’art contemporain s’y intéresse et que les galeries ou musées ouvrent leurs portes à toute une nouvelle génération d’artistes utilisant ce procédé.
Photo et vidéo : quelle démarche artistique ?
Quand utilise-t-on l’un, quand utilise-t-on l’autre ? Chaque media possède une lecture distincte et qui, mises en commun, offre une troisième lecture qui séduit de plus en plus. Certains artistes plasticiens s’en sont déjà emparés comme Katia Maciel, poète, réalisatrice, qui conçoit des interventions artistiques en jouant, mixant, juxtaposant en dyptique image fixe et mouvement, une exploration véritablement à la frontière de la photographie et de la vidéo.
Avec Répétitions, l’artiste profite de la rencontre entre le mouvement et l’absence de mouvement. Il ne s’agit pas « d’animer l’immobile », mais de trouver une trace du mouvement dans l’image figée. En effet, « il y a toujours un mouvement, même dans la photographie, dans la peinture, on peut voir quelque chose qui bouge, ne serait-ce que l’air ».
Citons un autre artiste qui expérimente également le monde de ces GIF animés, François Beaurain. Photographe puis plasticien, il est reconnu pour son travail pionnier sur le GIF animé. Il exposera à l’occasion d’expositions prestigieuses au Musée Guggenheim à Bilbao ou aux Rencontres de la Photographie d’Arles.
» J’ai pris cette image dans la banlieue de Marrakech, où je me suis rendu compte qu’il y avait de nombreux projets de construction de ce genre, ici nommé Les Villas. (…). Je suis très sensible à l’intervention de l’homme sur la nature. Cet endroit est très particulier, car en fait, la ville est tout autour. Ce trou d’espace a été comme oublié des constructions alentour.
Ce qu’il y a d’intéressant avec les GIF, c’est que je peux demander aux gens, aux passants de participer. J’ai toujours deux, trois GIF dans mon sac, je leur montre ce que ça peut donner… ça permet de discuter. Question diffusion, cette technique peut poser des problèmes, car il est naturellement impossible de reproduire l’effet de mouvement sur du papier. J’ai bien essayé avec une impression lenticulaire, mais ça ne donne rien de comparable. »
Et vous ? Êtes-vous plutôt Photo ou tendance Video ?
Un paysage saisissant de beauté s’apprécie par un joli panoramique en plan fixe. En vidéo, un seul plan n’existe pas et trouve sa meilleure expression dans les scènes d’action comme une course automobile, la préparation d’un plat en cuisine ou la répétition d’une chorégraphie. Le sujet central est le mouvement et seulement le mouvement avec trois variantes possibles : le sujet bouge et la caméra reste fixe, la caméra bouge et le sujet est immobile, caméra et sujet bougent ensemble.
Alors pour quel versant de la montagne optez-vous ? A moins que vous ne préfériez la cime et selon votre humeur ou les circonstances, vous choisirez le medium le plus adapté car il est vrai que l’un peut s’imposer naturellement selon le contexte.
- Mathew Brogie, Average Number of Photos Taken Per Day Around the World, Repsly, 2021.
- Source: Wyzowl, 2024
- « Comment le smartphone a révolutionné la photographie » de Marlène Joseph
- https://www.blogdumoderateur.com/etude-le-numerique-en-france-en-2019/
- François Beaurain, entretien par Focus Numérique (Nadia Ali Belhad)